Cet été 2008, nous décidons de partir pour une randonnée au Maroc pendant 15 jours au cœur de l’Atlas en famille. Au programme, découverte d’une large partie de l’Atlas Central des gorges de Taghia à la vallée des Aït Bougmez en incluant pour Julie l’ascension du M’goun, histoire de se dégourdir les jambes !
Le canyon de Taghia
Accompagné par Hajji, guide formé aux canyoning par un professionnel de l’UCPA, nous quittons de bonne heure Marrakech où nous vivons. Nous laissons derrière nous les chaleurs déjà étouffantes de l’été en direction de la montagne. La route de plaine au nord de l’Atlas défile ses petits villages et production maraîchère dans un premier temps vers Sidi Rahal puis vers Azilal, ville la plus importante et préfecture de région de l’Atlas. Quelques courses de légumes et de fruits au marché, petit tajine au mouton dans un restaurant de route et nous repartons.
La plaine laisse la place aux paysages de montagne et la route droite aux virages en épingle à cheveux. Longue étape puisque nous atteignons Zawyat Ahençal vers 15h. Mais la journée n’est pas finie ! Après un thé de bienvenue au gîte « Chez Farid », court transfert jusqu’au petit village de Tiranimine où nous avons rendez-vous avec deux muletiers et leur mules qui transporteront nos bagages et matériels pendant la première partie de notre randonnée au Maroc.
Chargement des mules avec Lahcen et Mohamed puis départ pour une randonnée de 2 heures en suivant la rivière Ahençal bordée d’abricotiers et de pruniers en direction du canyon et du beau village en pierre de Taghia. Premier bivouac à l’entrée des gorges.
L’Atlas Central abrite de nombreux canyons qui offrent aux débutants comme aux initiés de très belles possibilités de descentes dans des décors somptueux et sauvages. Les canyons les plus fréquentés sont souvent équipés et il existe un nombre satisfaisant de guides marocains très qualifiés souvent formés en France par des professionnels. Comme dans presque tous les canyons du monde, la météo et notamment les orages brusque en été, sont le risque le plus important à appréhender. Les difficultés techniques ne sont pas trop importantes et les marches d’approche sont en général fabuleuses.
Randonnée d’approche au canyon de Taghia
Première grande journée de canyoning. Il existe deux accès principaux pour le canyon de Taghia qui sont les plus utilisés. Un autre accès plus technique existe en amont mais réservés aux canyonistes aguerris que nous ne sommes pas… Nous nous séparons en deux pour cette première partie car l’accès n°2 est assez complexe et pas envisageable avec les enfants (Théo n’a que 7 ans). Avec Julie, ils nous rejoindront plus tard à l’accès n°1. Cette partie en effet ne présente aucun risque lié à la chute de pierre et offre plusieurs échappatoires en cas de montée rapide des eaux. Nous commençons de toute façon le canyon tôt dans la matinée sachant que les risques d’orages interviennent à partir du début d’après-midi.
Canyon de Taghia, accès n°1
Je pars en randonnée avec Hajji vers 5h30 après un bon petit déjeuner. Nous emportons le minimum, mais il faut quand même porter tout le matériel nécessaire à la descente : corde, mousquetons, baudrier, « 8 » de secours, combinaison de canyoning, chaussons et casque…ainsi qu’un peu de matériel technique destiné à (re)équiper la voix (coinceur, goujon, spit et plaquettes). En effet, les voix sont en général équipées mais il arrive que des bergers récupèrent un peu de matériel, mieux vaut être prudents.
Nous voilà partis hors sentier, nous surplombons par endroit la rivière que l’on devine coulée dans l’amas rocheux 100 à 150 mètres plus bas. Quelques passages très abrupts sont assurés avec des filins d’acier fixés à la montagne. Paysage spectaculaire et sauvage, et si nous avons croisé quelques bergers au début, nous sommes maintenant seuls au monde entourés de falaises impressionnantes.
Après 2h30 de marche d’approche, nous rejoignons le point d’entrée dans le canyon, un surplomb dans la faille qui permet de s’équiper et de se lancer dans une eau aux alentours de 7/8° !! La combinaison est la bienvenue. 5 minutes de repos, quelques fruits secs et Hajji commence à préparer le matériel et à me rappeler les règles de bases.
Après s’être équipé, nous commençons la descente de ce fabuleux canyon, la première douche sous la cascade est saisissante. A partir de là, il faut franchir 10 rappels pour rejoindre la sortie avec seulement un point d’évacuation possible dans 5 rappels, là où nous sommes censés retrouver Julie et Théo pour finir ensemble la descente moins exposée mais quand même avec des rappels de plus de10 mètres.
Le canyon très étroit est à l’ombre bien évidement, il ne fait pas très chaud mais nous progressons régulièrement dans ce chaos rocheux ou rien n’arrête l’eau. Nous nous arrêtons également souvent pour voir si un troupeau de chèvres ne passe pas au-dessus de nous tout en haut de la falaise avec le risque de faire tomber des pierres.
Canyon de Taghia, accès n°2
Julie et Théo ont eu droit à une grasse matinée. Nous les retrouvons comme prévu vers 9h30 au point 1. Ils sont accompagnés par Lahcen car le sentier n’est pas bien marqué et il faut également qu’ils portent leurs affaires. Petite pause pour nous pendant les retrouvailles, Théo et Julie se préparent et assistent au nouveau briefing de Hajji. Pour cette seconde partie, Lahcen se joint à nous car il n’a jamais eu l’occasion de descendre par la rivière.
Un peu d’appréhension pour Théo au premier rappel, mais cela passe très vite, nous enchaînons les rappels, passages sous les cascades et sauts ou toboggans dans les vasques et divers trous d’eau qui ponctuent la descente.
Nous sommes tous ravis et Théo s’éclate à fond. Petite pause sur un rocher au milieu du canyon maintenant plus large et plus ensoleillé avant de rejoindre la fin du canyon pour un pique-nique bien mérité au soleil et entourés des lauriers roses de Taghia.
L’entonnoir
Après cette première descente de canyon, nous avons décidé de faire une randonnée de 2 jours dans cet univers minéral. La région est moins courue que certaines zones plus à l’Ouest. Nous partons donc en direction du Nord-Ouest pour rejoindre dans un premier temps depuis Taghia un classique de la région « l’entonnoir » et déboucher sur un plateau dénudé où se regroupent l’été quelques familles de nomades.
La montée est raide et nous avons pris un âne dans le village pour Théo afin d’effectuer la première partie de l’ascension. A l’approche du fameux passage en entonnoir, nous libérons le jeune et sa monture car le passage est impossible pour les animaux.
Il reste une heure entre randonnée et escalade avant d’atteindre le sommet. Nous montons à travers une allée de buis, les panoramas sur le village de Taghia et les canyons sont splendides.
Après le plateau, nous rejoignons le canyon asséché de Zahwat al Azcar. Descente dans cet interminable canyon, c’est en fait un immense pierrier où nos chaussures de randonnée rendent l’âme, nous finissons donc cette étape (avant de pouvoir réparer les chaussures) en tongues, annonce d’une belle série d’ampoules et de blessures pour moi au gros orteil…
Joli bivouac à l’embranchement de deux rivières avec de l’eau fraîche pour le salut de nos pieds. Le lendemain, nous retrouvons à Amsou Souk, sur la route qui relie Zawat Ahençal à la vallée des Aït Bougmez, le land rover pour un transfert à travers les paysages arides de cette partie de l’Atlas Central où sont installées également quelques familles nomades en été.
La vallée des Aït Bougmez
Nous rejoignons donc pour la seconde partie du voyage la vallée des Aït Bougmez aussi connue sous le nom de «Vallée heureuse». Nous comprenons rapidement le surnom donné à cette vallée au nord du massif du M’goun. En effet dès le passage du dernier col effectué, un large cordon vert envahit le champ de vision. Quel contraste avec l’environnement minéral de ces derniers jours. Nous remontons la vallée à partir d’Aghbalou pour rejoindre tout d’abord le village de Tabant.
Les villages ou simple regroupement de maisons en pisé dans les tons ocres se succèdent tout le long de la piste. Comme nous sommes en été, le jaune des champs de céréales tranche avec le vert des pommiers ou des noyers séculaires très présents dans la vallée. Bref, c’est une palette de couleurs harmonieuses qui déroule ses subtilités au milieu d’une vie grouillante où de nombreux paysans sont à l’action, que cela soit pour la moisson et le battage du blé, le ramassage du bois ou la récolte de légumes.
Nous continuons vers Tabant, village important (car il y a un marché) situé au centre de la vallée pour faire réparer par un cordonnier nos chaussures de randonnée et faire à nouveau quelques courses.
Nous repartons pour quelques kilomètres vers le village d’Agouti où nous avons rendez-vous avec notre seconde équipe de muletiers. Installation solide du campement car les nuages annoncent un orage de fin d’après-midi qui risque d’être violent (et il le sera…). Rencontre rigolote entre Théo et une petite bergère sur le plateau proche d’Agouti.
Après une nuit particulièrement arrosée et venteuse, le soleil est revenu et nous partons pour la deuxième partie de notre randonnée de ce voyage au Maroc. L’objectif de cette semaine est double puisque pour Julie ce sera l’ascension du M’goun à 4067m d’altitude et pour nous trois la descente des canyons d’Arrous et de Joro.
Ascension vers le M’goun
Les bergeries d’Ikkis
Nous partons donc pour cette première randonnée vers le refuge de Tarkedit, un des camps de base du M’goun situé sur le plateau du même nom. La montée se fait dans un premier temps très progressivement en traversant le superbe village d’Arous à l’architecture traditionnelle où là encore de nombreuses aires de battage font le plein à l’ombre des énormes noyers. Après le village, nous continuons notre progression le long de la rivière vers les bergeries d’Ikkis « noyées» dans un océan de champs de blé. Nous déjeunons dans cet environnement bucolique.
La seconde partie est plus sérieuse et Théo monte sur une mule pour attaquer la montée en lacets vers un premier petit col puis après une dernière pente à flanc de montagne vers le col d’Arouri à 3400m d’altitude où nous attend un superbe panorama sur le plateau de Tarkedit et sur la chaîne du M’goun, le tout sous une averse de grêle importante !!
Plateau de Tarkedit
Le temps de nous équiper comme nous pouvons contre la grêle et l’orage et nous redescendons vers le plateau en direction du refuge de Tarkedit. Le plateau de Tarkedit est un long plateau où règne une ambiance assez étrange. Je ne sais pas si ce sont les montagnes alentours et la réverbération de la lumière ou le voile de brume léger qui envahit parfois le plateau et sa végétation verte et rase mais je suis sûr que quelques années en arrière nous aurions pu y croiser la bête du Gévaudan…
Bref, ce soir à part des troupeaux de chèvres et un troupeau de chameaux appartenant certainement à une tribu des Aït Atta venu du sud du Maroc pour la transhumance, la nuit est tranquille au refuge tenu par Brahim à 2900m d’altitude.
Ascension du M’goun
C’est au tour de Julie de se lever avant l’aube vers 5h30 du matin. Elle part accompagné par Hajji pour l’ascension du M’goun à 4067m d’altitude.
Sous un ciel scintillant de mille et une étoiles, équipés de nos frontales, nous commençons l’ascension. Nous marchons vers cette cathédrale de pierre, nous montons par un sentier en lacets, dans la pénombre. L’avantage de l’obscurité c’est qu’on monte sans se rendre compte du dénivelé ! Cette première partie est assez facile puis on attaque un bon raidillon dans la terre. C’est à ce moment-là que le soleil choisit de faire son apparition pour nous réchauffer. Nous atteignons le premier col puis la crête.
Il faut marcher sur cette crête dont le vide de chaque côté est impressionnant. Je suis tétanisée d’autant que le vent se mêle à notre ascension et à tout instant sur la crête on peut tomber et redescendre de 200 mètres. Hajji me rassure mais je n’arrive pas à avancer, j’ai peur du vide. Je me calme et Hajji propose de m’encorder pour me sécuriser. C’est ainsi que nous avançons tous les deux vers le point final. J’arrive presque à profiter du paysage, une vue panoramique splendide sur les massifs du sud marocain ! Puis un dernier petit raidillon et nous atteignons le cairn du sommet. Je suis trop contente. Le vent souffle fort maintenant, une petite photo pour immortaliser cet instant et nous descendons quelques mètres plus bas s’abriter et manger un en-cas. 5h de montée.
Après nous amorçons une longue descente de 2h30. La première partie est dans un pierrier bien pentu, c’est très casse gueule et je pars en roulé boulé plusieurs fois heureusement sans gravité. Mes chaussures de rando réparées très récemment, ne tiennent pas. Hajji me les répare avec du sparadrap et du fil de fer. La seconde partie est sur un sentier plus tranquille.
A l’arrivée, mes plantes de pied sont en feu, j’ai 7 ampoules et je n’arrive plus à poser le pied par terre. Séance de massage et repos ! Toute ascension a ses péripéties et même si on en bave de temps en temps, ce sont de belles aventures toujours mémorables ! Et sortir de sa zone de confort permet de grandir un peu plus…
Pour Théo et moi la journée est plus tranquille. Bon petit déjeuner face aux montagnes, puis Théo m’aide à démonter la tente et ranger les affaires car ma blessure au pied est un peu douloureuse. Car même si la journée est plus tranquille nous avons encore 3 heures de marche avant de rejoindre le haut des gorges d’Arous où nous devons retrouver en fin de journée Julie et Hajji. Petite mise en jambe sur le plateau de Tarkedit, chargement des mules et nous voilà partis en milieu de matinée. Les paysages colorés se suivent et nous retrouvons sur quelques centaines de mètres un paysage similaire à celui de la Cappadoce avec les formes escarpées des roches, les forêts de colonnes de pierre et les nuances de couleurs qui changent au fur et à mesure que le soleil évolue.
Randonnée vers les gorges d’Arous
Nous arrivons à notre point de bivouac, à l’entrée des gorges pour un déjeuner tardif, sur une pelouse moelleuse où paissent quelques chameaux avec des jeunes. Il ne reste plus qu’à monter le camp et attendre le retour de Julie en profitant de la petite rivière qui longe le camp éphémère.
Julie arrive en fin de journée assez fatiguée par son expérience du jour… Repos, thé à la menthe, soins des pieds et des chaussures et un bon tajine pour finir cette journée à la mode Berbère.
Rando aquatique dans les gorges de l’oued Arous
Après le petit déjeuner, nous attaquons la descente des gorges étroites de l’oued Arous. Ce canyon plus accessible est différent de Taghia. Nous nous équipons donc comme pour la dernière fois et nous voilà partis pour environ 3h de randonnée aquatique, agrémenté de quelques rappels dont un en 2 parties avec un départ pas évident pour les néophytes que nous sommes. Comme d’habitude les passages matinaux sous les cascades d’eau très fraîche finissent de nous réveiller.
Le canyon est très différent, très étroit, enserré par de hautes parois verticales avec des passages complètement fermés. Vers la fin du canyon, nous sommes obligés de passer en hauteur à l’aplomb du canyon dans les buis sur un sol glissant avant de rejoindre un dernier rappel et un toboggan naturel pour une belle glissade en direction d’une vasque à 10° ! Nous retrouvons en fin de matinée le soleil et les bergeries d’Ikkis où nous sommes passés il y a trois jours.
Fatiguée par son ascension et avec la plante des pieds toujours douloureuse, Julie partage une mule avec Théo pour rejoindre en pente douce et en 3 heures le village d’Arous puis celui de Tamezirt pour le bivouac.
Descente du canyon de Joro
Dernier petit canyon du programme, nous partons à pied vers le canyon de Joro. La marche d’approche est d’environ une heure. Ce canyon n’est pas très fréquenté malgré sa proximité avec les villages et le sentier d’accès n’est pas facile et même parfois « casse gueule » sur les sentiers des chèvres.
Une fois proche de l’eau, nous nous équipons encore une fois car deux rappels nécessitent l’harnachement complet. L’endroit est sauvage, passage sous d’immenses arches naturelles où quelques singes Magots évoluent dans les arbres. La fin de la randonnée est magnifique dans une rivière peu profonde entourée de lauriers roses en fleur.
Notre aventure aquatique se termine, il ne reste plus qu’à rejoindre à pied la piste puis la route goudronnée et le village d’Agouti où nous passons la nuit chez Brahim (le gardien du refuge). Brahim nous accueille et nous prépare un excellent goûter avec du thé, du beurre salé, confiture de figue et huile d’olive accompagné par du pain fait maison, un vrai régal ! Le soir, après un après-midi dans le village d’Agouti, c’est en « famille » que nous partageons un tajine.
Cet article est un travail d’équipe : écrit par Laurent, photos et mise en ligne par Julie.
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Merveilleux et impressionnant de voir Théo si petit dans ces gorges !
Oui c’est sympa de se replonger dans toutes ces photos 🙂
Bonjour
Quel bonheur de lire cet article dans le contexte actuel !!!
J’apprécie de pouvoir voyager grâce à la lecture de votre récit, d’admirer les beaux paysages.
Vous avez un courage incroyable d’affronter les sentiers vertigineux.
Je ne sais si je pourrais un jour faire des sauts dans de beaux coins mais votre expérience donne envie …
Merci pour ce partage et à une prochaine fois,
Marie-Christine BRAZIER
Merci Marie-Christine. Effectivement ça a été vraiment sympa de se replonger dans ce voyage et de s’évader…
Quelle sérénité à cette époque !! C’est de l’humour… Bises
Oui une rando est toujours paisible 🙂
Bonjour,
Eh bien, ils sont très beaux ces canyons, je n’imaginais pas les paysages du Maroc ainsi. Votre petit garçon est courageux, car personnellement je n’irai jamais m’aventurer comme cela à cause de la peur 🙂
Bonjour,
Il est courageux c’est sûr et a des parents aventuriers en qui il a toute confiance 🙂