Notre voyage au Kenya nous emmène dans les terres arides du nord du pays à la rencontre des habitants du désert, le peuple Turkana et les pêcheurs El-Molo.
L’arrivée au lac Turkana
Dans la région nord, au marché de Marsabit, nous faisons quelques provisions de fruits et légumes que des habitants du Turkana ont réclamé à notre guide. En effet, dans le nord, les ressources sont très limitées. Les étals sont bien achalandés : ananas, papayes, fruits de la passion, pastèques, avocats, tomates… Nous passons la nuit à l’hôtel Le Firmine, puis le matin nous prenons la direction du nord/nord-ouest pour rejoindre le lac Turkana.
Après quelques kilomètres, le goudron laisse la place à une piste caillouteuse qui nous conduit vers le désert de Chalbi. À cette période, en septembre, le climat est sec et nous prenons donc la piste qui longe la partie nord de la dépression du Chalbi. À la saison des pluies, la piste n’est pas praticable, il faut passer par la piste en haut de l’escarpement. Ici, rien n’arrête le vent et de nombreuses tornades plus ou moins hautes se forment. Des mirages nous jouent aussi des tours !
Nous traversons quelques villages. À Maikana, nous faisons une halte dans un petit bistrot pour un coca cola. Le paysage est austère, désertique, caillouteux et la température avoisine les 40°. Ensuite, après North Horr nous bifurquons sud-ouest pour rejoindre le lac Turkana et son paysage minéral brut. À l’approche du lac Turkana, la route est très vallonnée. À chaque sommet, un nouveau point de vue s’offre à nous.
Long de 300km de large et large de 50, ce lac plonge son extrémité nord en Éthiopie, alimenté par la large Omo River qui prend sa source dans les hauts plateaux près d’Addis-Abeba. Les algues qui prospèrent dans ses eaux changent régulièrement de couleur, virant du gris charbonneux au bleu de Delf en fonction du passage rapide des nuages, mais sa surface conserve en général son vert vif sous les rayons du soleil.
Le contraste est saisissant entre les cailloux noirs qui l’entourent et la couleur jade de ses eaux. Bien entendu, à peine arrivée, je mets les pieds dans l’eau, elle est délicieuse et l’envie de piquer une tête me démange mais je suis vite refroidie en apercevant un énorme crocodile pas très loin. Le Turkana héberge la plus grande population au monde de crocodiles. Ils se nourrissent en majorité de poissons mais exceptionnellement peuvent consommer de gros mammifères voir des humains !
La tribu des Turkanas
Nous nous installons au Palm Shade resort dans le village de Loiyangalani, petite ville proche des bords du lac. Dans la rue principale, nous croisons des personnes de différentes tribus Turkana, El-Molo, Samburu, Relile et Somali. Tous vivent en harmonie et même si certaines cultures diffèrent, les tribus sont maintenant liées par le mariage.
Les turkanas sont des habitants du désert, endurants et farouchement traditionnalistes, ils mènent un mode de vie similaire à celui de leurs cousins masai et samburu. Ils forment la troisième ethnie du pays après les Kalenjin et les Luo. Les turkanas, bien que vivant près du lac, ne pratiquent pas la pêche alors que le poisson constituerait une source de protéines vitale en période de sécheresse.
Lait et sang caillé constituent le régime alimentaire de base. Les turkanas sont éleveurs et le bétail fournit ses peaux pour leurs sandales, couchages et couvertures des huttes pour la pluie, les cornes permettent de placer le tabac à priser. Le dromadaire tient une place primordiale dans l’économie des turkanas, chèvres et moutons sont réservés aux invités et aux rites mineurs. À la saison des pluies, les femmes cultivent le millet et les courges sur leurs propres parcelles près des cours d’eau.
Dans le village et aux alentours, il n’est pas toujours facile de les prendre en photo. Ils craignent les photos. La croyance qu’une photo capture une partie de leur âme est encore très présente.
Quelques traditions :
- Les femmes portent un énorme collier de perles et couleurs pour indiquer qu’elles sont réservées à un homme.
- Une femme Turkana coûte cher, 120 chèvres set 16 dromadaires. Les hommes peuvent avoir plusieurs femmes s’ils ont les moyens de payer les dotes.
- Pour les hommes, l’attirail guerrier traditionnel se compose d’une lance, d’un gourdin, d’une lame de bracelet, d’un couteau de doigt et d’un bouclier en peau de buffle, de girafe ou d’hippopotame.
Nous rentrons à l’hôtel où un séminaire a lieu pour discuter d’un futur projet d’éoliennes dans la région. Ici le vent est omniprésent. Des militaires armés de kalachnikovs encadrent tout ce petit monde. Et pour le dîner, nous nous retrouvons devant un plat de tilapias, le poisson du lac, accompagné de riz, de choux et des kalachnikovs posées sur les chaises !
La tribu des El-Molo
Cette nuit, il a fait très chaud et à 22h le groupe électrogène est coupé et donc les ventilateurs s’éteignent ! Heureusement, le vent s’est mis à souffler comme toutes les nuits, un vent très fort, nous avons fait des courants d’air et ainsi avons pû bénéficier d’un autre ventilateur.
Un bon petit-déjeuner et ce matin, nous partons vers un village situé au bord du lac Turkana. Ce sont les El-Molo qui vivent ici. C’est le plus petit groupe ethnique du pays et il redoute la disparition de leur langue. Il était composé d’environ 1 000 personnes au dernier recensement de 2019. C’est aussi le groupe ethnique le plus pauvre du Kenya. Les El-Molo vivent encore dans de petites huttes en forme d’igloo faites d’acacias et de palmiers, construites sur les rives du lac Turkana. Elles sont lentement remplacées par des maisons en béton.
Il y a trois ans, les eaux du lac ont beaucoup monté dû aux précipitations extrêmes sur les bassins versants, liés au réchauffement climatique, le ruissellement accru des sols liés à la déforestation et à l’agriculture mais aussi aux mouvements tectoniques. Les El-Molo ont vu leur seul pipeline d’eau douce disparaitre ainsi que les monticules funéraires de leurs ancêtres. Les eaux ont même fini par se refermer sur la route, isolant les habitants sur une île au milieu du lac. Cette montée inattendue du lac a fragmenté la tribu. Ceux qui sont restés, ont une vie très dure. Certains enfants sont privés d’école car les parents ne peuvent pas payer le bateau pour s’y rendre.
Notre guide habite le village et nous déambulons avec lui de hutte en hutte à la rencontre des habitants. Des pêcheurs, des femmes, des enfants et le marabout. Le poisson est leur principale ressource et il est mis à sécher un peu partout. Ne pouvant plus accéder à l’eau douce, les El-Molo sont contraints de boire l’eau du Turkana, le lac le plus salé d’Afrique. « Nous avons souvent la diarrhée, elle est salée et abîme nos dents et nos cheveux ».
Certaines femmes portent des boucles d’oreille en forme de feuille cela indique qu’elles sont mariées.
Puis, nous embarquons pour aller sur l’île en face, Roto island. Petite traversée de 10 minutes. Sur cette île sacrée, se trouve 4 sanctuaires, toujours utilisés de nos jours.
- Le sanctuaire Marle utilisé pour des cérémonies visant à maudire des tribus ennemies, à prier pour la pluie et se protéger des morsures de serpent.
- Le sanctuaire d’Orikala utilisé pour les sacrifices destinés à accroitre la chance lors de la chasse à l’hippopotame.
- Le sanctuaire Origaltite sert à bénir les femmes stériles pour qu’elles conçoivent.
- Le sanctuaire Orisole sert à prier pour la protection contre les calamités telles que les épidémies et à maudire les fauteurs de trouble au sein de la communauté.
Vers Maralal
Nous quittons le nord, la route dans un premier temps suit les bords du lac et traversons quelques villages Turkanas puis progressivement la piste se faufile dans les replis montagneux de la rift vallée jusqu’à South Horr.
Le paysage devient plus sablonneux, les acacias remplacent les cailloux. Nous croisons quelques autruches, dik dik et antilopes girafes. Les Turkanas sont remplacés par les Samburus.
Nous passons des cols, la végétation devient plus abondante. Des femmes Samburus proposent un thé au bord de la route. Aux environs de Maralal, nous entrons en territoire Pokot où les hommes ont souvent une plume sur leur chapeau.
Nous sommes de retour sur les pistes goudronnées et nous descendons ensuite vers le sud à la rencontre des animaux dans les différentes réserves.
Nous vous recommandons
- Palm Shade resort, à Loiyangalani, c’est le seul hébergement au lac Turkana. C’est rustique mais fonctionnel. Le jardin de palmiers offrent plein d’ombre et c’est très appréciable.